JOURNAL D'ÉMOIS

samedi 6 février 2021

Née francophile


 photo Nina louVe, Montréal 2020

Suis née francophile,

Pondue dans un nid de neige,

Sous le vent, en pleine tempête

Dans notre Bleu Pays

Avant même que l’on m’enseigne l’alphabet.

 

Enfant, le joual ? Carrément interdit.

De toutes parts, elles et ils

M’enseignaient la langue française

Avec grande rigueur.

Africations, mauvaises liaisons

Faux accords et Couacs

On savait très bien me les reprocher...

Aoutch !

 

Ma feue mère ne supportait aucune faille.

Même qu’il m’était formellement - interdit-

de jouer avec Nathalie 

la sympathique et joviale voisine

de la rue Rockland

parce qu’elle disait ‘’icitte’’ ‘’litt’’ ‘’toé’’ pis ‘’moé’’.

./././././././Rock……land././././././

Comme si Outremont

N’avait pas le droit d'accueillir 

la joie d'une enfant

Aux accents de mélasse, 

de famine et d'usines.


Quelle tristesse ma cabane de riche

Bourrée bourgeoise la madré mama mia,

Tours et détours dans le petit milieu d'artistes

un brin trop snobs ensemblés

Ces féministes et activistes

Les elles pucelles

et les ils bien bandés

Pour la cause de la prose.

 

Oh ! un grand foin dans le nez

...mia moi enfant au piano blanc...

je rêvais de leur mettre dans les narines.

 

Quelle réserve doucement, aurai tissé

contre cette  exagérée autorité

rigide et vile par ces actions incessantes.


Sur mon visage... une ribambelle de giroflées

un jardin de ces fleurs 

aux cinq pétards sur mes joues.

 

Puis, vinrent les bonnes sœurs

Au pensionnat oui, s’y sont mises aussi.

Contre les magnifiques couleurs des sacres

Niet Nina ! Tous tes Mea Culpa

Ne te suffiront pas.

Niet Nina ! Tous tes Mea Culpa

Ne te suffiront pas.

 

Absolument pas possible de les souffler

ces sons beaux rêches et rauques,

pas même les mains sur mes cuisses,

sola mia, ravie, sous les draps dans le dortoir

les pupilles fixées sur mon doux émerveillement.

././././ À l’autre siècle ././././

Elles en soutanes grises, le jour le soir

Faisaient d'inutiles tours de garde.

 

Dogme inefficace

Car nunca domptable, mâtable,

Ni gourouïsable, la fillette d'espoir.

Liberté de penser, D’ores et déjà intouchable.

 

Alors donc, à force de jouer 

à mutisme et bouche cousue

Ai appris le Braille, 

à le lire sur les frissons de ma peau.

Par instinct, il a fallu 

rester sensible et alerte

aux odeurs et saveurs

les chercher dans l’herbe,

du haut des pins 

dans lesquels

fillette je grimpais

encore encore 

plus haut toujours

 

Mettre sous roche 

les sons de la maison.

Ceux des creux de chaudrons

des disputes, 

des liaisons impossibles 

de ces adultes

et me réfugier au bord et au cœur 

des lèvres de la plage

les pieds et les hanches 

dans le lac sauvage,

je pêchais, pècherais, péchais.

 

Fallu voir vite dans la nuit des étoiles.

Dessiner sous mes mains des lettres

sur mon tambour de peau

faire des sons, des soupirs heureux.

Fallu deviner les cachettes possibles,

/.... les dé-trouver ..../

Seule, comme une grande ourse.

 

Allez ! opérer rapido

ici en occident et partout sur la petite planète

déguster la langue et ses accents suaves. Oui.

 

Le temps était complice de mon enfance

Pour construire la belle forteresse de silence.

Dire oui, non nan nenni

parfois... peut-être, s’il le fallait.

Le toucher et l’ouïe s’amusaient

... à devenir si braves, si forts ...

 

Et là est né

ce désir immense et tellement confortable

de m'amuser avec les sons et les langages

qui font du rythme et du sens.

Phonologie.

 

Suis née francophile,

avant même 

que l’on m’enseigne 

l’alphabet.

Née dans la neige 

sous le vent,

en pleine tempête, 

à l’autre siècle,

dans notre Bleu pays.


Née d'une mère fille fille mère 

bannie d'avance

Par ces catholiques 

exploiteurs sans vergogne.

 

Pour la langue

101 fois j’ai remercié ce bill protecteur

le mot Camil rime avec Laurin

Beau comme un pétale venu éclore

Drette au bon moment

quand le souffle 

allait manquer de temps

et le gaz s'évaporer

 

''Ok shut up- stay cool & still,

Keep quiet you quebekers in October crisis

Prisons and guns comes in your houses.''

 

Maintenow me voilà

Femme embrassée par sage et sauge

Heureuse polyglotte à la joie contagieuse

Exilée des égo-trips de ceuz 

qui tricotaient la marquise dorée.

 

! Maintenow !

Sage et sauge, sous pseudonymes scellés,

Discrète joueuse non authentifiée.


La langue,

Celle de ta bouche,

Celle de mon ventre,

De ta nuque,

De mes jambes,

Celle de mes dix fois dix doigts + 1

 

La parlerai comme à l'Est

La chanterai avec moult respires.

Avec des musiques du Nord du Sud de l’Ouest

La monterai avec des images et scanderai sa beauté


Oh que nunca le désir 

des langages et des sons

Ne me quitte.

 

Et diantre ! St-Toc si c’était le cas un soir...

Devrai retourner au trécarré,

Faire jachère, bis bis. 

Bises, brises.

Nul lieu, même pas elle _"_ l'inquiétante absence

L’amnésie  de la minute qui vient de mourir

N’ira lasse m'éteindre.

Ne puis accepter oublier tout

tout des syllabes des voyelles

et des consœurs consonnes.

Disfruta idiomas

 

Née Francophile, i’m a green fog

Kiss me maintenow

 


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